jeudi 30 octobre 2014

Visite de la forêt Montmorency au nord de Québec

La dernière demie-journée de cette mission a été consacrée à la visite de la forêt Montmorency, propriété du Gouvernement provincial dont la gestion est déléguée à la Faculté de foresterie de l'Université Laval depuis 1964.

Dés son origine, cette forêt de 6 600 ha était pensée comme une "forêt modèle" dans laquelle une gestion polyvalente devait être mise en œuvre. Depuis, la forêt a été étendue à 41 200 ha (en Juillet 2014).
La production de bois génère des revenus essentiels pour la viabilité de la forêt – maximum 13000 m3 par an exploités.
La forêt tire également des revenus du tourisme de vision (sorties pour aller voir les orignaux et loups).
La forêt n'est pas chassée ; le loup semble être un régulateur naturel suffisant car la régénération naturelle est pratiquée. L'économie liée au tourisme de vision y est pour quelque chose également.

Cette forêt est certifiée FSC.

Une gestion concertée
Son plan d'aménagement est soumis par un comité d'aménagement, réunissant les principaux acteurs concernés: municipalités régionales de comté, communautés autochtones, corps enseignant, étudiants de la faculté, etc. Il est approuvé par un Conseil d'administration et mis en œuvre par l'équipe de direction de la forêt. Cette gestion est unique au Québec. Les objectifs de la gestion sont les suivants :
  • Recherche et amélioration continue
  • Conservation du milieu et des ressources forestières
  • Mise en valeur du territoire et des ressources forestières
  • Enseignement et formation continue
  • Éducation populaire et appui au milieu

Quelle gestion est mise en œuvre ?
La forêt est gérée selon le principe d'aménagement écosystémique depuis 1966 ! Elle est constituée de forêts boréales humides, situées au contact des domaines de la sapinière à bouleau jaune et de la sapinière à bouleau blanc. La sylviculture appliquée est une sylviculture de "rétention", s'inspirant des régimes de perturbations naturels. La coupe rase y est appliquée avec rétention de vieux bois et de bois mort sur des zones pouvant atteindre plusieurs hectares, ce qui peut interpeller le forestier tempéré convaincu que la coupe rase est tout sauf "proche de la nature" !

Mais en regardant de plus près le régime de perturbation naturelle local, gestionnaires et chercheurs ont constaté que le principal facteur de perturbation de ces forêts boréales humides, ce n'est pas la sénescence, ni les incendies, mais les épidémies de ravageurs comme la tordeuse des bourgeons de l'épinette ou l'arpenteuse de la pruche. Ces épidémies ne se répartissent pas uniformément sur l'ensemble de la forêt, et sont plutôt concentrées sur des zones ou "patchs" allant de moins de 10 ha jusqu'à 100 ha ; cependant la mortalité au sein de ces zones n'est pas totale, 1/3 survivraient.

En imitant le régime de perturbation naturelle, le sylviculteur pratique une gestion en "forêts mosaïques", où un patchwork de peuplements d'âges variables s'imbriquent dans l'espace. La présence de grandes ouvertures est également favorable au maintien de l'orignal, dont la population est régulée par la présence de "top-prédateurs" comme l'ours et le loup.

Par ailleurs, 20% de la forêt est constituée d'aires protégées strictes et 20% est gérée en irrégulier.
Schéma Université Laval

Le Sapin est actuellement l'essence-reine de cette forêt, cependant des réflexions concernant le changement climatique sont à l'étude.

Démontrer la viabilité
L'équilibre économique semble être atteint dans cette forêt qui intègre à la fois des objectifs de production, de conservation de la biodiversité et des usages traditionnels et nouveaux, ce qui serait une preuve que l'aménagement écosystèmique n'est pas en contradiction avec l'atteinte d'objectifs économiques. Le modèle de la forêt Montmorency pourrait même faire l'objet d'une analyse économique un peu plus détaillée pour étayer la justification économique du modèle des Aires protégées polyvalentes.
 La forêt de Montmorency vue depuis le belvédère. l'aspect "mosaïque" est visible.

Lien vers le site de l'université Laval / forêt Montmorency : http://www.fm.ulaval.ca/accueil.asp


Article rédigé par Jérôme et Zoë

Sylviculture en forêt feuillue : la station touristique de Duschenay

Ce vendredi 24 octobre, nous avons été accueillis par 4 personnes, qui nous ont présenté différents dispositifs expérimentaux en sylviculture feuillue : René Dion, de la SEPAQ, gestionnaire du site de Duschenay, Jean, de la SEPAQ, Guy Lessard, du CERFO (Centre d’enseignement et de recherche en foresterie) et Steve Bedard, de la direction de la recherche forestière au MFFP.

La Station touristique de Duschenay s’étend sur 89 km² (8 900 ha). Elle a été créée en 1935 avec plusieurs objectifs :
  • L’expérimentation forestière
  • L’enseignement aux étudiants en foresterie et au grand public
  • Le récréotourisme
  • La production de bois

L’activité de vulgarisation auprès du grand public a été abandonnée dans les années 80 suite à la fin du régime de concessions

Les principaux enjeux sylvicoles concernent la production de billes de bouleau jaune (Betula alleganensis), dont la valorisation en déroulage et sciages constituent le débouché le plus intéressant pour les peuplements feuillus au Québec (hormis l’acériculture). La sylviculture du bouleau jaune vise ainsi à obtenir pour un arbre, 3 à 4 billes de 50 cm de diamètre à 100 ans, valorisées pour environ 300 $ chacune.
Ces dispositifs s’inscrivent dans un contexte de forte progression de la maladie corticale du hêtre qui entraîne d’importantes mortalités pour cette essence. Ce hêtre (Fagus grandifolia) a des caractéristiques très similaires au Fagus sylvcatica européen : forte dynamique de régénération, faible appétence, bonne tolérance à l’ombrage, bois nerveux, etc. En conséquence, cette essence est défavorisée dans la sylviculture, également dans un souci de sécurité du public.

Les différents dispositifs présentés concernent plusieurs modalités d’éclaircie en futaie irrégulière feuillue :
  • Coupe progressive irrégulière pied à pied
  • Coupe progressive irrégulière par bandes
  • Coupe progressive irrégulière par trouées
Régénération de Hêtre et de Bouleau jaune suite à une coupe progressive irrégulière

Ces types de coupes ont également été déclinés selon plusieurs degrés d’intervention, qui aboutissent à différentes surfaces terrières résiduelles (9 à 14 m²/ha)
Dans tous les cas, le martelage a été réalisé manuellement et a abouti à désigner des arbres d’avenir (env. 250 à 300 par ha) pour lesquels il faudra travailler. Les opérations sont mécanisées et c’est l’opérateur qui choisit les arbres à enlever en fonction des consignes données. Cette méthode contribue ainsi également à mieux valoriser le travail des opérateurs par rapport à des coupes réalisées de façon systématique. Les machines circulent sur des sentiers d’exploitation, qui sont réutilisés ou déplacés en fonction des types de coupes considérés.

En raison de son caractère pionnier, la régénération du bouleau jaune est facilitée sur des sols où le socle minéral apparaît. En conséquence, la protection des sols est moins préoccupante qu’en France, car les perturbations liées à l’exploitation (passage des engins, entailles de trainage du bois, etc.) favorisent l’installation du bouleau jaune. Certains dispositifs intègrent aussi une opération de scarification du sol afin de recréer des conditions favorables à l’installation de cette essence. Cependant, elle est concurrencée par un autre feuillu intolérant : le peuplier faux-tremble (Populus tremuloides), très dynamique, mais dont le bois est beaucoup moins intéressant.

Sur certains essais, des interventions en taille de formation et élagage des tiges d’avenir ont permis d’améliorer la qualité des bois.

Nous avons retrouvé des approches et difficultés comparables à celles de la sylviculture irrégulière de forêt feuillue pratiquée en France, en particulier :
  • cette sylviculture est caractérisée par l’importance du dosage de la lumière. Les chercheurs ont ici choisi d’approcher ce paramètre grâce à une notion d’espacement des tiges d’avenir plutôt que par la surface terrière, car cela leur permet de mieux appréhender la répartition des tiges sur l’ensemble du peuplement.
  • les populations d’ongulés (orignal, cerf de virginie) viennent contrecarrer les efforts des sylviculteurs. En effet, les densités d’animaux sont importantes au sein de la Station touristique car la chasse n’y est pas pratiquée. Les jeunes bouleaux jaunes subissent ainsi une forte pression d’abroutissement, tandis que le hêtre est favorisé en raison de sa moindre appétence. Ces observations ont été confirmées par des essais d’installation d’exclos : les peuplements situés au sein de ces exclos présentent une dynamique de croissance plus importante et les efforts du sylviculteur pour favoriser le bouleau jaune au détriment du hêtre donnent de meilleurs résultats.

Nous avons enfin été impressionnés par les mesures prises pour la rétention d’arbres à but écologique, qui sont bien plus importante qu’en France. Il est ainsi visé de maintenir :
  • 1 arbre prédominant à l’hectare
  • 1 arbre semencier à l’hectare
  • 5 à 8 arbres fauniques (arbres à cavité, arbre portant un nid, etc.) à l’hectare
  • 5 à 8 chicots (arbre mort sur pied) à l’hectare
Rétention d'un "chicot"

Guy Lessard et Steve Bedard

Pour aller plus loin, vous pouvez retrouver tous les détails concernant ces dispositifs (contextes, protocoles et résultats) en cliquant ici.


Article rédigé par Aurélia et Lola

Un petit air de Cévennes au Québec

Ce même mercredi 22 octobre, François Guillot, directeur par intérim des deux parcs, nous a présenté les enjeux de ces espaces protégés.


Le Parc  marin du Saguenay Saint Laurent s’étend sur la quasi-totalité du fjord (10km) et sur la moitié nord du Saint Laurent (1245 km²). Sa création répond à des enjeux de préservation de la faune aquatique, notamment les mammifères marins dont le béluga est une espèce emblématique. Sa gouvernance s’organise autour d’un comité de coordination rassemblant les acteurs du parc et de ses alentours.

Le Parc national du Fjord du Saguenay couvre 320 km². Il a été mise en place principalement pour des enjeux paysager (flancs du fjord) et de biodiversité (pineraies et plantes rares). Ses limites jouxtent des secteurs d’habitation ce qui implique un découpage en "dentelle". En effet les parcs nationaux sont, de par la loi, obligatoirement constitués de propriétés du gouvernement. Cette proximité génère quelques conflits d’usage pour l’usage de la ressource (bois de chauffage) ou l’accès aux sentiers qui est payants dans les parcs nationaux. L’équipe étudie actuellement des solutions pour fluidifier la fréquentation par les habitants. Le parc national du Saguenay est jumelé avec le parc national des Cévennes ce qui a conduit notamment à la mise en place d’une zone périphérique (cas unique au Québec). Aujourd’hui elle est surtout utilisée pour circonscrire les acteurs invités à la table de concertation. Peu d’actions concrètes y sont aujourd’hui réalisées. Peut-être une piste en tant qu’aire protégée polyvalente ?!


 Le Fjord du Saguenay sous la bienveillance des Bélugas

Article rédigé par Grégoire et Zoë

Le Petit Saguenay : terre d’innovation du développement local

Ce mercredi 22 octobre, nous avons été reçus par les partenaires pour le développement forestier durable des communautés de Charlebois et du bas Saguenay (PDFD). Étaient présents 2 maires dont le président de la table de concertation du Parc national, le directeur du Parc national du Saguenay, un représentant du ministère des ressources naturelles, le directeur du village vacances, les employés du PDFD.
La rivière Petit Saguenay

Comme beaucoup de régions les forêts ont été exploitées intensément par l’industrie papetière : la sapinière à bouleau jaune a été transformée en forêts jeunes et occupées par des essences pionnières plutôt feuillues. Ces peuplements sont considérées comme dégradés. Cette appauvrissement de la ressource a incité les industriels à se désengager (fermeture de scierie…). Dans ce contexte, les acteurs locaux ont cherché des solutions pour continuer à faire vivre leur territoire à l’histoire forestière marquée.
La création du PDFD (association à but non lucratif) a été une des réponses. Elle propose une démarche de gouvernance du territoire par la concertation entre les acteurs impliqués (collectivités, professionnels de la filière bois, aire protégés, acteurs du tourisme…). Le développement durable forestier avec une composante sociale forte est leur finalité : « Un milieu forestier restauré et mis en valeur, une condition. L’économie, un moyen pour y parvenir. Les communautés de Charlevoix et du Bas-Saguenay, une finalité. »
Le PDFD développe les axes suivants :
  • La recherche en invitant les universités à travailler sur son territoire (analyse fine des peuplements à restaurer…)
  • Les expérimentations au travers de partenariat forts avec les gestionnaires (modalités de coupes partielles, transformation du tremble peu prisé de l’industrie…)
  • L’implication dans des démarches innovantes de gestion du territoire (forêt habitée, conclusions du rapport coulombe, aménagements écosystèmiques…)
Une des plus belles réussites a été la création de la coopérative de solidarité Valoribois qui a permis de faire revivre une scierie abandonnée par les groupes industriels ainsi qu’une autre coopérative, « quatre-temps » impliquée dans l’emploi dans le domaine de l’exploitation forestière, de l’agroforesterie et du tourisme.
Nous avons été particulièrement marqués par la réactivité, le dynamisme des acteurs locaux et leur volonté de faire construire ensemble un projet de territoire.
2 exemples nous ont été présentés :

La bleuetière de Jean Bergeron couvre 50 ha. Des actions de coupes ont valorisé les plants de bleuets déjà présents en forêt. On remarquera la préservation des pins blancs et rouges devenus rares dans la région pour des raisons paysagères et patrimoniales.

Le village vacances de Petit Saguenay a mis en valeur un ancien site lié à la scierie aujourd’hui abandonnée. Tous les aménagements ont été construits en tremble dans un souci de cohérence territoriale.

Cliquez ici pour visualiser le diaporama de présentation du PDRD et de ses actions
Cliquez ici pour le diaporama de présentation du projet de restauration
Article rédigé par Grégoire et Zoë

samedi 25 octobre 2014

Rencontre de la première nation des Innus Essipit et découverte de leur territoire


Mardi soir, nous avons été reçus par la communauté autochtone des Innus à Essipit pour une présentation en salle de l’histoire et des enjeux actuels de la communauté et pour un repas traditionnel (nous avons finalement rencontré l’orignal dans nos assiettes plutôt que dans les bois !). Leurs principales valeurs sont le partage, l’équité et l’entraide. Dans la langue Innu (Innu Aimun), il n’y a d’ailleurs pas de mot pour désigner le concept de « propriété ». 

Il existe 9 communautés d’Innus au Québec, les Innus d’Essipit sont l’une d’entre elles. C’est la deuxième plus grande nation au Québec. Les membres de la communauté (les Essipiunnuat) occupaient anciennement un territoire (Nitassinan) de 8 604 km² ; leurs ancêtres sont arrivés il y a plus de 15 000 ans, en provenance d’Asie. Après avoir vécu longtemps en alliance avec les français, notamment autour du commerce de la fourrure, les autochtones ont été cantonnés, lors de la colonisation britannique, dans des réserves. Le territoire des Innus à Essipit, nommé Innu assi, est désormais réduit à 80 ha. Malgré tout, la communauté continue de s’agrandir et compte aujourd’hui 675 membres.


Particulièrement dynamique, cette communauté tente de se réapproprier son territoire, ses enjeux et de s’impliquer dans sa gestion au-delà de la limite de la réserve. Les activités ancestrales des premières nations (principalement la chasse) commencent à être reconnues dans le cadre de jurisprudences de la Cour suprême. L’implication des communautés autochtones dans le développement du territoire n’est pas cadrée à ce jour. Leur économie est pourtant basée sur l’exploitation et le partage des ressources naturelles, en particulier dans les activités cynégétiques, forestières, touristiques ou de préservation de l’environnement. La communauté a ainsi embauché deux ingénieurs forestiers, un chargé de communication, une biologiste et une ethnologue. Le négociateur en chef est, lui, chargé des discussions avec le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral du Canada.


Du point de vue cynégétique, les pratiques ancestrales des premières nations sont autorisées sur le territoire et toute l’année. Nous avons découvert au cours de cette journée les activités de piégeage pratiquées qui sont totalement intégrées dans les modes de chasse autorisés au Québec : la trappe. Le castor, le lynx, le loup, l’ours, la martre ou le pécan font partis des espèces régulièrement piégées pour le commerce de la fourrure et surtout pour la perpétuation de pratiques ancestrales. Afin de stabiliser ces pratiques, la communauté a acquis la gestion de plusieurs ZEC (zones d’exploitation controlée) qui sont des secteurs où la gestion de la chasse a été confiée à une association. Elle a également mis en place des pourvoiries (infrastructures pour l’hébergement et la pratique de la chasse, de la pêche et de la trappe). Ces territoires couvrent plus de 400 km² en propriété d’Etat. La communauté d’Essipit est actuellement en négociation avec le gouvernement dans le cadre de la révision des traités pour obtenir un transfert de propriété. Cela constituerait un énorme pas en avant pour ce territoire.



Rencontre avec les trappeurs de la communauté 

Dans cette perspective, les forestiers de la communauté s’impliquent aussi dans la gestion forestière de ces espaces et travaillent actuellement à la rédaction d’un plan d’aménagement des territoires visés pour le transfert de propriétés, grâce à la mise en place d’un comité d’aménagement. Dans un contexte de forêts dégradées par des coupes intensives et rapprochées pour l’industrie papetière, l’enjeu actuel est la reconstitution des peuplements forestiers tant du point de vue de la composition en essences que de celui de leur maturité. Des réflexions et des expérimentations sont en cours notamment pour tester les coupes partielles et les itinéraires de gestion qui permettent d’augmenter le recouvrement des essences présentes à la période précoloniale.

Nous avons été particulièrement impressionnés par le dynamisme de cette communauté qui prend son destin en main dans un esprit positif, de développement communautaire et d’ouverture malgré l’héritage compliqué de ce pays. 

Vue depuis les hébergements Condos de la communauté d'Essipit

Pour en savoir plus, cliquez ici 
Pour consulter le diaporama de présentation de la communauté d'Essipit, cliquez ici

Article rédigé par Grégoire et Isabelle

jeudi 23 octobre 2014

Un territoire d'exception : le Parc national de la Gaspésie

Lundi 20 octobre, nous avons été accueilli au Parc national de la Gaspésie par son directeur, Pascal Lévesque.

Présentation du territoire du Parc

Ce parc est le 2e Parc national québécois à avoir été créé, en 1937, avec 4 objectifs principaux :
  • protéger le caribou montagnard
  • protéger la montagne (contre l’exploitation minière et forestière)
  • protéger les rivières à saumons 
  • développer l’économie touristique
C’est un parc de catégorie II selon l’UICN, géré selon 4 types de zones en fonction de la sensibilité des milieux :
  • les zones de service, où sont concentrées les infrastructures lourdes (gîte, centre de découverte, garages etc.)
  • les zones d’ambiance, où l’on peut trouver des infrastructures légères (sentiers, chalets, activités de pêche, etc.)
  • les zones de préservation, où peuvent encore se trouver des sentiers et des refuges
  • les zones de préservation  extrême, qui sont les zones témoin du terrain préservées de tout impact humain, y compris l’accès. Ces zones sont déterminées en raison d’une fragilité et d’une rareté particulières.

Mésangeai gris rencontré au sein du Parc

 Au sein du territoire du Parc, aucune activité d’exploitation forestière ou minière, ni de chasse, n’est permise. Les seules activités autorisées concernent la recherche scientifique, les actions de conservation et les activités touristiques.

Ce qui nous a marqué, c’est l’importance de l’économie touristique : pour une partie de son activité, le Parc a un fonctionnement d’entreprise touristique (tickets d’entrée, location gîte camping, raquettes etc., boutique souvenirs). On parle de clients, et non de visiteurs.
Le Parc parvient à assurer ainsi 78% de son budget en autofinancement (1,8 sur 2,2 millions de $ de budget annuel).


Le Gîte du Mont Albert, centre touristique au sein
du Parc national de la Gaspésie

L’enjeu principal du Parc et de la région concerne la conservation du Caribou montagnard : la population est passée de 1500 à une centaine d’individus en une trentaine d’années, principalement en raison des activités forestières, qui ont favorisé l’orignal (c’est à la fois un compétiteur et une proie alternative aux prédateurs qui leur permet de se développer). S’ajoutent à cela 2 parasites qui limitent la réussite de la reproduction : l’un transmis par le coyote, l’autre venant du renne européen.
Les populations étaient initialement réparties sur l’ensemble du Québec et du Canada. Elles ont reculé progressivement et, pour la partie au Sud du St-Laurent, sont aujourd’hui cantonnées en 3 hardes situés sur les sommets de la Gaspésie (sur les Mont Abert, Jacques Cartier, et Mc Gerrigle), au sein du Parc et dans les 2 réserves fauniques adjacentes (réserves de Matane, et Chic-chocs).

Au sein du Parc, des actions sont menées pour réguler les prédateurs : ours noir et coyote. 

Le Mont Albert sous une neige fine

Article rédigé par Grégoire, Aurélia et Lola

La réserve faunique de Matane : un territoire d’expérimentation pour les aires protégées polyvalentes

Ce dimanche 19 octobre, nous avons été accueilli au sein de la réserve faunique de Matane par Jean-François Lamarre, de la SEPAQ.

Fiche d’identité de la réserve faunique de Matane

Localisation : chaîne de montagnes des Appalaches
Surface : 1275 km²
Date de création : 1962
Gestionnaire : la SEPAQ (Société des établissements de plein air du Québec)
Vocations :
-          La conservation des espèces et la mise en valeur des forêts
-          La récréation (chasse, pêche, randonnée).

La difficile question de l’équilibre sylvo-cynégétique

Chaque année de début septembre à début novembre, 450 groupes en moyenne viennent chasser l’orignal dans la réserve faunique de Matane. Ces 8 dernières années, les prélèvements orientés sur les femelles ont permis de réduire la densité de population d’orignaux, dont l’impact sur la forêt devenait préoccupant .

La réserve faunique de Matane est très réputée pour cette chasse. En 2014, 60 000 personnes ont candidaté pour venir chasser.
Historiquement, la densité excessive d’orignaux s’explique successivement par :
      Une épidémie de tordeuse du pin dans les années 1970 entraînant une récolte sanitaire massive
      Un afflux de bois important sur le marché et un rajeunissement des forêts, favorable au gagnage de l’orignal
      Une explosion consécutive des populations d’orignaux entraînant une renommée de la chasse
      Un blocage de la régénération naturelle des forêts
      La décision des forestiers de planter de l’épinette, moins appétence, avec pour conséquence un habitat moins favorable aux orignaux.
On constate ici le difficile équilibre entre revenus de la chasse et revenus de la forêt, d’autant plus que la baisse de population des orignaux a été permise grâce à la mobilisation des chasseurs.

Abroutissement par l’orignal

Orignal (photo SEPAQ)

Quelle forêt dans la réserve faunique de Matane ?

La forêt a été exploitée ces 100 dernières années. Les plateaux présentent actuellement une grande proportion de plantations d’épinettes âgées de 0 à 30 ans tandis que les zones moins accessibles portent encore des forêts anciennes, à fort degré de naturalité. Les plantations font aujourd’hui l’objet de travaux de conversion vers des peuplements irrréguliers dans le but de réduire l’écart avec les forêts naturelles (principe de l’aménagement écosystémique).
La gestion de la forêt, publique, est planifiée par le gouvernement et mise en œuvre par les compagnies forestières.

Plantation d’épinettes

La coordination des actions entre tous les acteurs

Le statut de réserve faunique pourrait apparaître a priori comme un statut de protection y compris pour la ressource forestière ; or la gestion y est pratiquée selon les mêmes modalités qu’à l’extérieur. Une gestion plus intégrée permettrait de concilier davantage les utilisations de ce territoire reconnu. Le dispositif existant actuellement (« tables de concertation » réunissant l’ensemble des acteurs concernés) ne semble pas à la hauteur de l’enjeu de ce territoire.
La mise en place d’une aire protégée polyvalente, permettant de concilier les différentes pratiques, est une piste développée actuellement, d’autant que cette réserve jouxte le parc national de la Gaspésie, présentant des enjeux connectés (par exemple, le maintien de la population de caribou montagnard).



Observation d'un pygargue à tête blanche dans la réserve faunique

Article rédigé par Isabelle et Zoë

lundi 20 octobre 2014

Visite d’un site remarquable : une vieille forêt au cœur d’une trame exploitée

Samedi 18 octobre. En dernière partie de journée, nous avons visité un peuplement relictuel d’environ 3ha, qui n’a pas été exploité lors des dernières coupes réalisées aux alentours (le relief rendait cette opération compliquée).


En conséquence, le peuplement comprend une part importante de bois de fortes dimensions, est composé d’essences qui pour certaines - comme le Cèdre blanc - sont peu présentes dans les peuplements adjacents (elles devaient vraisemblablement l’être avant leur exploitation) et présente une quantité importante de bois morts.

Visiter un tel peuplement permet de mieux appréhender les transformations des écosystèmes forestiers liées aux exploitations passées telles qu’elles ont été pratiquées, d’autant plus que les forestiers disposent d’éléments sur l’historique des coupes effectuées dans le secteur.

A l’heure actuelle, la préoccupation est d’assurer le maintien de ce peuplement témoin, situé en propriété privé. Différents outils sont envisagés pour travailler avec le propriétaire dans cet objectif.

 

Article rédigé par Aurélia et Lola

Visite d’un site expérimental : modalités d’éclaircie commerciale

Samedi 18 octobre, la fin de la matinée et l’après-midi étaient consacrés à des excursions sur le terrain, dans le Bas-Saint-Laurent.

La première visite portait sur un dispositif d’expérimentation suivi par la Conférence régionale des élus du Bas Saint-Laurent, un organisme qui coordonne des projets de recherche appliquée au niveau du territoire régional.

Le peuplement étudié est une plantation d’épinette noire (Picea mariana) installée en 1984, qui a été regarnie en 1987 avec de l’épinette blanche (Picea glauca) et où le Sapin est apparu naturellement. Il faut préciser que la plantation a été réalisée dans un contexte épidémique de tordeuse des bourgeons d’épinette, qui comme son nom ne l’indique pas, est un défoliateur qui s’attaque préférentiellement au Sapin baumier. C’est pourquoi la présence de Sapin n’était pas recherchée.
Le peuplement a subi 2 traitements phytocides (dont le dernier en 1990, juste avant l’interdiction de ce type d’intervention en 1991), puis une éclaircie pré-commerciale. La densité des peuplements avant intervention était d’environ 2500 tiges/ha avant intervention.


Peuplement avant intervention

La région représente env. 950 000 ha de forêts, dont env. 130 000 ha de plantations comparables aux peuplements étudiés, et autant de peuplements naturels ayant subi des éclaircies commerciales (soient env. 25 % de peuplements aménagés intensivement).
A noter que l’expérimentation s’inscrit aussi dans le contexte d’une nouvelle épidémie de tordeuse.

Le dispositif étaient composé de 2 modalités de première éclaircie commerciale :
  • la première visait à la « conversion structurale des peuplements » (on dirait « irrégularisation ») par la désignation de 200 arbres élites à l’hectare et l’enlèvement de 2 compétiteurs directs pour chacun, et par la réalisation d’une trouée de 200 m² par hectare, située le long des cloisonnements sylvicoles. Dans chaque trouée, le sol a été scarifié pour faire apparaître la roche et ainsi favoriser la régénération de l’épinette noire. La désignation des arbres élites a été faite par les gestionnaires, et le choix des arbres à abattre a été confié aux conducteurs d’engins après quelques consignes expliquées directement sur site. On observe déjà l’installation de semis d’épinette, mais aussi de bouleau jaune qui est une essence commerciale fortement recherchée et également appréciée de l’orignal. Dans un second temps, il est envisagé de désigner de nouveaux arbres objectifs pour atteindre 350 tiges à l’hectare, ainsi que de réaliser de nouvelles trouées pour atteindre 2 trouée à l’hectare.
  • la seconde modalité consiste en une opération d’éclaircie commerciale mécanisée, plus classique, par le bas. L’intervention aboutit à prélever les bois de façon systématique, à hauteur de 28 à 35 % du volume initial (ici, le prélèvement était de 35 %, dont 11 % pour créer les cloisonnements et environ 25 % répartis dans le reste du peuplement). Le diamètre moyen est ainsi passé de 15,2 à 16 cm.


Résultat de la modalité 1 (désignation)

La seconde modalité correspond à la sylviculture majoritairement appliquée dans la région (80% des peuplements) tandis que la première constitue une démarche plus récente qui devrait porter sur 15% des surfaces. Les 5% restants correspondent à des opérations d’éclaircies mécanisées, mais préalablement martelées : cette intervention est justifiée par l’importance des dégâts dans les houppiers liés aux conditions climatiques. Les machinistes ne peuvent en effet pas les voir et donc pas choisir efficacement les arbres à enlever.

Ce qui nous a marqué dans cette visite, c’est la vision industrielle de la foresterie : comment le forestier au Québec envisage toujours sa sylviculture par rapport à la possibilité de récolte et aux produits attendus par l’industrie. La réflexion sur l’irrégularisation des structures nous semble être une idée très novatrice par rapport au contexte québécois, et pose question du côté des industriels qui craignent qu’une telle sylviculture s’accompagne d’une baisse de disponibilité de la ressource.

Par ailleurs, nous avons été surpris de constater la vitesse à laquelle cette réflexion a été traduite en termes d’expérimentation concrète. 

Article rédigé par Jérôme, Aurélia et Lola